Sous les toits
Cela fait déjà une année que j’ai débarqué dans cette ville qui met mal à l’aise, métropole aux deux versants, tantôt attractifs, tantôt répulsifs. De son ambiance particulière, j’en tire quelques vers, puis je romantise.
Dans une mansarde, caché quelque part au milieu d’un triangle doré aux parures trop lourdes pour mes poches, j’ai infiltré le faste et le nanti, là où superficie se mêle au superficiel.
Ici tout brille dans ces longues promenades où jonche le luxe, et lorsque les commerces s’éteignent, même la nuit nous le rappelle à notre bon vouloir, quand les fenêtres avoisinantes reflètent les danses lumineuses de la Tour Eiffel.
Dans mon logis si bien aménagé, les meubles ne bougent pas, symbole de l’immuable physionomie de ces quartiers et de ceux qui y résident. Les grands miroirs qui ornent les entractes des habitations ne connaissent que la misère des livreurs et les regards impressionnés des invités.
Vivre chez les riches sans l’être, c’est regarder les fins gourmets de la terrasse d’à côté, sans pouvoir y accéder. A l’aube à peine dévoilée, deux assiettes sont posées, avec pour chacune une orange pelée. Voilà l’expression régulière de la mondanité.
Ma chance est celle d’habiter loin du vacarme ambiant.
Les toits ont ceci d’intéressants qu’ils nous échappent de l’agitation quotidienne, de ces tumultes douteux dans lesquels chacun plonge dès lors qu’il franchit le pas de son habitat.
Et il ne passe pas un jour, sans que je ne m’assoie sur ce rebord de toit, pour y contempler l’horizon et tâcher ce privilège de mon pauvre désarroi.
C’est toujours dans le déclin du ciel azuréen, qui dans un dernier sursaut rougeoie du soleil couchant, que le ballet des merles prend fin. A l’heure où mes voisins referment avec minutie leurs volets, dans la désillusion d’une ivresse, il ne me reste alors pour seule compagnie que les paroles du vent ; et l’étendue d’oubli qui s’offre à moi, me ramène aux velléités du passé.
Parfois, mon atmosphère se charge de ces nuages tristes au poids accablant, qui déversent ces grêles noires que même la terre ne saurait contenir.
Et si je n’en avais point, je n’écrirais pas tous ses mots.