Métro 8

Publié le 22 mai 2020


C’était un de ces jours d’hiver, un de ces instants où les faibles rayons du soleil laissent le ciel s’éteindre. Marchant près de l’eau, l’un près de l’autre, je me souviens nos échanges devenus taciturnes se tarir derrière les étoffes qui couvraient nos visages. A cette heure traîtresse, les paroles étaient insignifiantes et nos mains s’accrochaient pour ne pas déliter nos cœurs, se scellaient pour ne pas décomposer nos âmes.

Marchant dans cette atmosphère maussade, nos mots absents et le silence de nos présences semblaient accroître l’éveil de l’amour nous unissant. Mais en apercevant l’entrée du métropolitain, la chaleur de nos corps n’a pas suffi à contenir le froid intense qui m’a transpercé. Car ce jour-là, il n’avait d’éponyme que le rite des séparations. Ses courants d’air glacials ont brutalement démasqué le glaive qui couperait le fil nous reliant. Certes, ce n’était pas un adieu, mais les au revoir m’ont toujours paru plus délicats ; pour ce qu’ils mettent les plaisirs en attentes et ne finissent jamais de mourir.

Unis seuls au milieu de cette rame, aux sièges céruléens occupés par ceux qui quittent les bureaux, les lampes à sodium cachées derrière les grilles du plafond rendaient blafarde ta peau déjà trop blanche. Mais rien n’aurait pu altérer ta beauté, immanence des pays de l’est. Ton insouciance sublimait la monotonie nous entourant. J’étais fou de toi.

A mesure que les stations sonnaient le glas, je souhaitais ardemment marbrer dans mon être cette rencontre si harmonieuse. Blotti dans tes caresses, les cendres des saisons m’ont rappelé que trop longtemps je n’avais pas ressenti mes songes s’énamourer.

Malgré tout, même si le temps passant j’ai compris que notre amour d’absinthe n’aurait jamais pu résister à nos vices égotiques ; aux creux de ces lumières j’aurais aimé ablatir cette étincelle, dans un écrin de Soi, pour ne pas la voir sombrer dans la sénescence de mes souvenirs.

Car aujourd’hui, je me tiens seul, et cette rame me semble vide d’existence.