Les affects : amour VS passion amoureuse

Publié le 13 mai 2020


En s'appuyant sur une vision Spinoziste :

L'amour (et la passion amoureuse par extension) est une joie que l'on développe à l'idée d'une cause extérieure.

L'Autre étant une cause extérieure dont on se fait une idée.

Spinoza y distingue deux types de joie : la joie active et la joie passive, la première prenant sa substance dans le vrai (un arbre est un arbre) et la seconde dans l'illusion et le rêve.

C'est à dire (à mes yeux), que la passion amoureuse prend source dans les fausses idées qu'on se fait de l'autre : on projette nos peurs, nos fantasmes, nos envies et on renie ce qu'est l'Autre, on renie son existence propre.
Cet Autre est interchangeable, il n'a pas son mot à dire dans l'équation et se voit 'chosifier' (i.e il est indépendant de notre désir in fine).
Tandis que l'amour c'est aimer de manière réfléchie quelqu'un pour ce qu'il est. C'est prendre le temps de découvrir. L'amour se construit à travers un échange sain et clair qui ne laisse pas (ou peu) de place à la libre interprétation.

Les deux proviennent de désirs partageant des caractéristiques communes, mais l'un puise dans un désir réel et 'rationnel', pendant que l'autre prend source dans un désir faux et creux.

La passion amoureuse est factice et renie donc l'amour.

A l'image d'un brasier ardent, elle se consume rapidement et laisse place à la réalité, celle qu'on se cache au départ (d'où l'idée de ne pas "s'enflammer" quand on rencontre quelqu'un).
C'est une cause qui explique, je pense, que beaucoup de couple s'arrêtent au bout de quelques mois (ou sont dysfonctionnels, sans même le comprendre)

D'où : la passion amoureuse est précisément un rapport à soi-même duquel on exclue l'autre. L'autre ne fait que cristalliser l'état dans lequel nous sommes et son rôle était déjà défini avant même de l'avoir rencontré. Nous le formatons à nos attentes et notre désir.

C'est comme quand on goûte aux délices de la vue en observant de joli(e)s femmes/hommes dans la rue et que notre désir nous porte sur quelqu'un : ce n'est pas tant CETTE personne que l'on désire. Elle ne fait que cristalliser ce désir et ce qui se passe en nous.

Nous faisons l'erreur de croire le contraire, nous préférons nous raconter de belles histoires, ce qui mène à certaines aberrations (le coup de foudre par exemple, quelle est la probabilité de rencontrer LA bonne personne sur 7 milliards d'humains ? N'est-ce pas plutôt tous nos fantasmes et notre conditionnement que nous projetons sur l'Autre dans le but de l'instrumentaliser ?, etc.).
Dans 99% des cas, la connexion/le rapport que nous établissons à l'autre se base sur des idées fausses (cf. joie passive, nous attribuons des qualités et caractéristiques à l'Autre qui n'existent que dans notre imaginaire) et ce qui en découle est donc nécessairement faux. Dès le départ on se condamne.

L'Autre nous renvoie à notre propre vide. On peut se demander, si celui ci n'est pas tellement inconfortable que nous prenons alors le contre pied de souffrir (la souffrance/le manque étant intimement lié à l'amour) afin de donner du sens à la situation ainsi qu'à l'existence.

Pour se sortir de ces schémas délicats et purger l'affect (catharsis au sens d'Aristote) il suffit alors de prendre conscience de cette altérité et de la dichotomie de nos affects, afin de se maintenir dans un état "éveillé" qui tend à nous amener vers plus de Vrai et moins de fantasme.

Sachant qu'inévitablement, la destruction du fantasme interviendra et le retour à la réalité se fera. On ne peut pas y échapper.

Il y a simplement des réveils plus difficiles que d'autres.