Le consentement sexuel
Comment pourriez-vous définir le consentement sexuel ?
J'ai été amené à répondre à cette question pour le mémoire de recherche en psychologie sociale d'une amie. Voici ma réponse :
Le rapport entre deux êtres humains se construit... à deux justement. Quand on rencontre quelqu'un, on pénètre progressivement dans l'intimité de l'autre, et le rapport affectif-sexuel se construit sur des jeux de pouvoir : chacun fait offrande de ses pensées, de soi, se remet à l'autre, en espérant que l'autre prenne soin de lui/elle.
Dans ces jeux, la femme détient le "pouvoir ultime", puisque c'est elle, in fine, qui fait l'offrande la plus sacrée : son corps. Elle reçoit l'homme en elle. Cela se vérifie aisément dans la réalité : l'homme propose et la femme dispose. Sans qu'une position soit plus enviable qu'une autre, on peut néanmoins noter que l'homme connaît la misère sexuelle quand la femme peut aisément disposer de prétendants.
La racine du problème se trouve donc, selon moi, dans le déséquilibre initial entre homme et femme vis à vis du processus de séduction, ainsi que dans le rapport de force qui s'en dégage.
Dans le processus séductionnel, c'est l'homme qui "fait avancer les choses" (je parle bien ici d'une tendance générale, puisqu'on trouve toujours des exceptions). Il est dans une démarche active, il séduit de cette manière. La femme séduit de manière passive, elle laisse des ouvertures et signifie son consentement de cette façon. Ainsi l'homme est invité à entrer dans sa sphère et fait le pas.
Bien évidemment, la femme qui séduit de manière active ou témoigne son désir se voit régulièrement affublé d'étiquettes nauséabondes et je trouve cela dommage. Il y a un réel travail d'éducation à réaliser chez l'homme et la femme à propos de ces représentations.
Dans ces conditions, l'homme qui séduit activement, sait intuitivement que la femme peut le désirer sans pour autant lui montrer, voir même l'induire volontairement en erreur, afin d'éviter le slut-shaming ambiant et conserver sa valeur de femme.
Quand on rentre accompagné après une soirée ou un rendez-vous : la femme signifie souvent qu'il ne se passera rien, alors que dans les faits, il finit invariablement par se passer quelque chose (mutuellement consenti).
De mes discussions avec les femmes, il ressort toujours (et j'insiste sur ce point) l'idée que le rapport sexuel a eu lieu "comme ça", qu'il n'était pas prévu et qu'une chose en entraînant une autre il est arrivé. Pourtant, l'un comme l'autre, nous savons ce qui se passe et ce que l'on veut. Nous savons qu'une cause entraîne un effet, nous savons sur quel chemin nous nous engageons.
J'ai donc le sentiment que la femme cherche à se déresponsabiliser et laisse reposer sur le sous-entendu, sur le sous-jacent, l'idée du sexe. Qu'elle le désire sans le verbaliser.
Le rapport de séduction se construit donc sur l'ambiguïté et la volatilité. L'homme romantique qui déclare sa flamme sera mis game over dans 99% des cas puisqu'il démontre une inaptitude sociale et une incompréhension de ce que veut la femme.
L'homme doit endosser la responsabilité du rapport sexuel, sans quoi il ne se passera rien, quand bien même les deux partenaires en ont terriblement envie.
Il doit jouer le jeu de la séduction, comme la femme, au risque sinon de détruire le rapport séductionnel.
Tout cela me mène à un point central : le consentement est tacite et se construit à deux.
Quand je rentre avec une femme chez moi, je sais qu'elle ne m'embrassera pas d'elle-même.
Néanmoins, à la lecture de la situation, je sais si elle en a envie ou pas. A titre personnel, j'opère la règle du 80/20 : 80% du chemin vers ses lèvres, et elle fait les 20% restants. Il s'agit ici de montrer son désir et d'inviter l'autre à dévoiler le sien.
Si je me suis trompé, alors je clarifie la situation. Mais cela n'arrive que rarement dès lors qu'on choisit en amont des partenaires de qualité et que l'on est soi-même un minimum attentif et ouvert.
Car un des problèmes majeurs, c'est qu'on désire des personnes qui ne nous désirent pas en retour. Et que la plupart des hommes/femmes se comportent comme des autistes et écartent les signaux de désintérêts de l'autre.
Il est nécessaire, tout au long du processus de séduction, de rester à l'écoute de soi et de l'autre, de contrôler le process point par point et de faire des feedbacks pour s'ajuster correctement.
Ramener une femme chez soi ne signifie pas forcément qu'on va coucher. S'embrasser non plus. Il s'agit simplement de voir comment réagit l'autre, de témoigner son désir sans l'obliger.
On peut verbaliser son désir ("j'ai envie de toi", "tes lèvres me rendent fou", etc.), on peut prendre les choses en mains et initier l'étape "supérieure", en restant à l'écoute et en s'adaptant. Mais on ne peut pas demander un consentement oral "veux-tu que nous couchions ensemble ?" quand en amont, tous les signaux et comportement ont menés à cette situation. Demander à quelqu'un si on peut coucher avec, ce serait renier tout le processus de séduction.
Dans les faits, qui ne dit mot consent.
Dans les faits, l'homme mène la danse et la femme l'embellit.
Femme ou homme, chacun est assez grand pour savoir dire non si la situation ne lui convient pas.
Femme ou homme, chacun est assez grand pour savoir si la personne en face de nous est mal à l'aise ou pas.
Et bien sûr, la conscience personnelle (rattaché au moins en partie à la morale), devrait nous dicter ce qui est bon ou mauvais. On ne force pas quelqu'un quand on sait que la personne ne veut pas/qu'elle nous a dit non.
Dans une relation de longue durée, il m'est arrivé de me forcer et consentir à une relation sexuelle. Il m'est arrivé de dire non. Je suppose que c'est pareil pour ma partenaire. Le consentement n'est jamais définitivement acquis, néanmoins il se soumet parfois à d'autres "impératifs" et donc ne s'exprime pas.
Finalement, je pense qu'il suffit simplement d'injecter de l'écoute (de soi, de l'autre, de la situation), de la communication (avec soi, avec l'autre), de la clarté, et de la bienveillance.
Pour être honnête, l'approche du questionnaire me met mal à l'aise, car à mes yeux, il me semble prendre peu en considération la réalité du terrain et ne se construit qu’à travers l’œil moralisant de la société. J'ai vraiment le sentiment que l'être humain s'acharne à alimenter des faux débats et des faux problèmes et dépense son énergie dedans, au lieu de se concentrer sur l'essentiel et sur ce qui compte réellement. S'agiter dans le vent mène dans l'impasse. Et cette question sur le consentement sexuel apparaît comme un problème à résoudre alors qu'elle n'est que le fruit d'une causalité, le réel souci se situant bien en amont dans cette "chaîne".
Qu'on ne me prête pas de fausses intentions : il y a bien des problèmes structurels à résoudre, des schémas et représentations à casser, un énorme travail personnel d'introspection à réaliser, et des consciences à éveiller.
Mais les rapports humains sont déjà assez dégradés et la chute continue sans que personne ne soit enclin à l'arrêter. Ce n'est qu'en s'attaquant à la racine du problème qu'on pourra les améliorer.
Et pour cela, chacun se doit de faire des efforts. Chacun doit apprendre à placer son égo de côté et communiquer de manière non-violente (cf. Marshall Rosenberg). Chacun doit faire preuve de bienveillance et prendre soin de la relation à l'autre.